Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/61

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Alors quelqu’un cria : « Les gendarmes arrivent de Putte ! » et les combattants lâchèrent prise. Ce fut une fausse alerte, mais les partisans des Domus profitèrent de la panique pour décamper en entraînant leurs blessés, dont le plus maltraité était incontestablement le grand Warrè, du Sabot.

Warrè garda le lit durant quinze jours et de longtemps ne chanta ni ne chansonna plus.

Cependant tous en réchappèrent. Aujourd’hui il ne reste plus trace de cette rencontre féroce que dans le registre des comptes de la fanfare Entre-Nous où, pour l’année 1874, l’énorme somme de deux cents francs est portée sous la rubrique : « réparations, achat d’instruments ». Le bombardon avait particulièrement souffert et la grosse-caisse éventrée et empalée ne pouvait plus servir que de trophée.

Cette bataille marqua aussi la phase aiguë de la querelle. Le village, autrefois si calme, regrettait la paix.

Le curé aurait voulu que la fanfare accompagnât la procession du jour de l’Assomption. Sans musique, le pieux cortège manquerait de solennité ; il ne fallait pas que la Vierge souffrît de ces discordes. Les Domus et les Flips exhortés par leur pasteur et leur bourgmestre, acceptèrent l’arbitrage. On décida de commun accord que la fanfare Entre-Nous resterait établie chez baezine Lusse Flips, mais que les teerdagen, les bals et les concerts auraient lieu au Bœuf bigarré. Le nouveau tailleur s’engageait en outre à ne faire que des culottes et abandonnait la confection des autres pièces de vêtement à son ex-patron. Les Flips s’arrogeaient évidemment la