Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/77

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œufs servant de cadre doré à de rosâtres et blanches tranches de jambon. Une montagne de pommes de terre farineuses s’éboula, minée de toutes parts par nos fourches diligentes. Un franc appétit de rustaud me gagnait !

Yana attendrie constatait que depuis un mois Monsieur n’avait plus dîné aussi copieusement.

Aussi, nous fallut-il goûter à tout ce que produisait la ferme : beurre, lait, fromage blanc, primeurs. Je me moquai de Yana qui avait cru devoir emporter des provisions ! Elle connaissait bien mal l’hospitalité paternelle ! Mais je ne me gaussai plus de sa prévoyance lorsqu’elle fut chercher le contenu du fameux panier : une couple de bouteilles de vin vieux et une tarte aux pruneaux de sa fabrication, qu’elle déposa triomphalement au centre de la table. On but à la santé du Monsieur et du jeune Monsieur, et à leur heureux séjour à S’Gravenwezel.

— Il est convenu que dans huit jours nous inaugurerons tous, vous entendez : « tous » notre nouvelle maison ! disait l’excellent homme avec conviction… Et maintenant, en route Djodgi, car tu brûles de voir ce nid…

Jan nous accompagna. Il marchait derrière nous avec sa sœur. Lion allait et venait, manifestant sa joie par d’absurdes circuits et pirouettes, pourchassant les bestioles qu’il faisait lever des seigles. Les coquelicots et les blavelles piquaient déjà de leurs couleurs vives le vert jaunissant des épis, et des papillons blancs ou bruns s’éparpillaient au-dessus comme des fleurs animées.