Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/94

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de Sandthoven. Ils venaient de Wyneghem par Wommelghem et Ranst. Ils avaient marché tout le jour sous les feux du soleil, entre les taillis, le long des emblavures au-dessus desquelles grisollaient les alouettes. Il faisait clair encore et, sans avoir sommeil, ils éprouvaient un indicible énervement.

Des meules s’éparpillaient dans un pré fauché ras ; les senteurs safranées de la fenaison flottaient dans l’air attiédi du crépuscule ; les grillons répondaient aux rauques coassements des grenouilles ; le ciel rose à l’Occident s’assombrissait graduellement dans la direction opposée : ils s’étalèrent dans les foins odorants.

Comme la Belette se sentait oppressée, son corsage entr’ouvert montrait les pointes souffreteuses de son sein. Les yeux de l’homme ardents luisaient injectés par les flambes du couchant. Il se détourna plusieurs fois, mais de nouveau ses regards revenaient à cette poitrine irritante comme un fruit d’aigrin, et il soufflait, travaillé par l’été ; et des prurits avivaient son sang aduste.

La petite fermait les yeux.

Brusquement il l’agrippa, l’attira à lui, l’étreignit férocement, la posséda sans qu’elle eût songé à se débattre.

Cruellement blessée au premier assaut de son ravisseur, puis envahie elle ne savait par quelles mystérieuses délices, son tempérament malingre vibrant avec une acuité effrayante, la Belette se tordait exaspérant à ses spasmes le rut effréné du paillard.

Et tous deux s’éperdirent longuement dans ce viol.