Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/96

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D’abord ces divagations cornues firent rire ceux qui en étaient témoins ; puis les villageois superstitieux prirent peur de ces drôleries sinistres qui prenaient dans la bouche de la chanteuse idiote quelque chose de voulu par une volonté surnaturelle, de sibyllin.

Bientôt, quand Jak Corepain et la Belette se présentaient sur le seuil d’un cabaret, les consommateurs protestaient, criaient haro sur eux, menaçaient de déserter la place. Et force était au baes, pour ne pas perdre sa clientèle, de pousser dehors le couple réfrigérant.

Alors l’ivrogne échina de plus belle la fillette porte-malheur…

Depuis longtemps elle toussait ; un jour elle cracha le sang : jamais les gens ne l’entendirent crier. Après l’avoir rouée de coups, le terrible amant ne lui faisait pas grâce de ses fringales amoureuses et, alternant les blasphèmes et les sollicitations lascives, promenait ses lèvres de satyre alcoolisé sur les plaies qu’il venait de déchirer.

Combien de mois cette vie dura-t-elle ? Ce que dure une phthisie galopante.

Un matin la Belette essaya de se lever, parvint à se mettre sur son séant, mais ses maigres fuseaux refusèrent de la porter et elle retomba, rigide, inerte, sur le grabat.

Depuis leur appareillement le fait se présentait pour la première fois. Le débagouleur n’entendait pas cette plaisanterie.

— Allez hop ! Eh, rosse ! Hein, gadoue !