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LES FUSILLÉS DE MALINES

reflua violemment, avec des bouillons de lave vers le marché.

— Les Français !… les Français !

Ce cri retentit d’un bout à l’autre de la ville, se répercuta de carrefour en carrefour.

— Aux armes ! rugit Chiel le Torse. Aux armes ! Où les prendre ? Qui les a sous la main ?

En un clin-d’œil trois mille âmes, au bas mot, paysans et citadins, confondus, les badauds et les indifférents l’emportant en une écrasante proportion sur les vrais patriotes, se démènent, se pressent, s’empêtrent, se barrent le passage.

La panique tumultueuse des éperdus prévaut contre le sang-froid des braves disséminés dans ce tourbillon. Impossible de garder pied, le flot soulève ou renverse quiconque tente de s’opposer à son passage.

— À moi Bonheyden ! À moi ! rugit encore le Torse ! tentant des efforts surhumains pour se dégager. Une note stridente et prolongée lui répond. C’est Heratens, qui parvient à porter son fifre jusqu’à ses