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LES FUSILLÉS DE MALINES

tourner contre leurs exterminateurs, les victimes s’écharpent les unes les autres. Des femmes, des enfançons hurlent, râlent de détresse, et ces larmes qui étoufferaient les flammes des gehennes et désarmeraient les éternels brûleurs, n’apitoient même pas les soudards jacobins ! Nombre parviennent à s’évader de ces étouffoirs en n’y laissant que quelques lambeaux de leurs vêtements et de leur charnure. Leur chance redouble l’acharnement de ceux qui restent. Au plus fort de la poussée en avant, la masse rutilante est refoulée en arrière : l’infanterie a rejoint les dragons et un peloton de chasseurs à pied obstrue à présent les derniers dégagements.

Aussitôt après, à la voix de Béguinot, les deux demi-escadrons s’avançant l’un vers l’autre, à travers la place, il se produit un phénomène incroyable : aussi compacte, aussi serrée que soit la mêlée humaine, elle parvient à se condenser davantage. Les corps se tassent, s’étranglent, menacent de crever comme du raisin dans un pressoir. On s’attend à voir gicler une nappe de sang au-dessus de cette fumante purée. Eh