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LES FUSILLÉS DE MALINES

d’autre. La température morale s’alourdissait.

C’est sous la suggestion de cette atmosphère orageuse que se trouvaient, dans la soirée du samedi 20 octobre 1798, ou, comme on était tenu de s’exprimer alors, le 29 vendémiaire de l’an VIIe de la République, quatre villageois de Bonheyden, localité des environs de Malines.

Attablés plus tard que de coutume, sur tout en ces temps de troubles, cloués sur leurs escabeaux, ils ruminaient sans cesse les mêmes crispantes conjectures, proféraient de loin en loin, entre deux soupirs, une parole de menace ou de désolation, et telle était leur préoccupation, qu’ils laissaient s’éteindre leurs pipes et boudaient la bière houblonneuse.

Une commune angoisse, un grave pressentiment qu’ils craignaient de se communiquer par la parole, leur tournait le sang et leur étreignait la gorge. Il est de ces espérances tellement ardentes, qu’on n’ose les exprimer, peur de les effaroucher et d’en ajourner la réalisation. Dans ces dis-