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LES FUSILLÉS DE MALINES

n’échauffait plus l’entrain de la prise d’armes et de la bataille, une réaction s’opéra ; l’instinct de la conservation reprit le dessus. Des scènes atroces se produisirent. Plusieurs tombèrent à genoux, invoquèrent le Ciel, se traînèrent jusqu’aux pieds des exécuteurs, essayèrent de leur embrasser les mains. Ne parvenant à les apitoyer, ils réclamèrent l’assistance des Malinois accourus en spectateurs et chez qui la curiosité l’emportait sur la poltronnerie. Les cavaliers avaient peine à tenir à distance ces badauds féroces.

L’officier chargé de ce vilain service, sentant peut-être fléchir son courage, coupa court à ces scènes, brusqua la représentation en commandant : « Feu ! »

On avait désigné pour cette répugnante besogne, les soldats mal notés, traînards, soudrilles, rebut de l’armée, piètres tireurs par dessus le marché. Par malheur aussi, pour les condamnés, il bruinait. Le vent éteignait les falots ou rendait leur lueur plus tremblotante encore, ce qui mettait les soldats accessibles à un sentiment de miséricorde, dans l’impossibilité de bien