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LES FUSILLÉS DE MALINES

doigt elle montrait machinalement le malheureux aux soldats en train de débourrer leurs fusils. Les bourreaux coururent à l’évadé et le sacrifièrent dans les rangs même des spectateurs.

Un sourd grondement, une huée mal contenue, s’éleva de la multitude, jusqu’alors témoin impassible sinon complaisant de ce massacre. La conscience populaire allait-elle enfin protester ? Commençaient-ils à se douter, les glabres citadins, que ces bons pacants de la campagne circumvoisine, ces simples, abattus, de sang froid, comme une volée de pigeons, étaient — mieux que des hommes, plus que le prochain, — des compatriotes et des frères ; que cette blonde et rose chair à fusils français, que ces rondes et larges cibles de chair épanouie, représentaient la fleur de leur sang, le meilleur de leur race !

L’inepte action de cette boutiquière acheva d’édifier les Malinois sur leur propre lâcheté. Mais il était bien temps de s’opposer à présent à ces horreurs. L’immolation était consommée. Honteuse, rougissant d’elle-même, une grande partie de