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LES FUSILLÉS DE MALINES

logis du fossoyeur métropolitain. Introduits, après force sommations et bourrades, dans un réduit humide et plein de touffeur, le gradé commandant la patrouille apprit au terrassier macabre la corvée que la République réclamait de son civisme. Mais le minable bonhomme se rebiffa avec une vivacité inattendue, alléguant que lui, Pierre-Joseph Gooris, n’ayant jamais inhumé que les prélats et prudes gens de la ville, ne pouvait, après soixante ans d’honorables services, salir ses mains et ses outils à des voiries de manants !

Les Jacobins, peu démontables cependant, demeuraient pantois devant si fantastiques scrupules de dignité et, dérogeant à leurs habitudes, se retirèrent sans violenter cet aristocrate d’une espèce encore inconnue !

Ils se rabattirent sur une troupe de bourgeois qu’ils cernèrent et contraignirent à creuser la tranchée destinée aux fusillés, en mettant précisément aux mains des fossoyeurs improvisés les bêches et les houes abandonnées par les paysans !

Avant d’enterrer les victimes, les soldats les fouillaient, retournaient leurs poches,