Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LES FUSILLÉS DE MALINES

aussi facilement les sentimentales complaintes que les couplets satiriques ; aussi, après s’être recueilli un instant, le nez en l’air, comme un qui suit le vol des pigeons, il déclama sur un ton emphatique :

Jeunesse catholique, flamande et romaine.
Bonnes gens du Brabant et des Flandres aussi,
Compagnons du village, amis de la cité,
Si les Français partaient, quelle Félicité !
Ils pillent les coffres des riches.
Arrachent les saints de leurs niches !
Fondent les cloches en canons,
Entassent dans les cabanons
Les prêtres dignes de ce nom.
Et pour peu que cela continue,
Je vous le dis, en vérité.
On verrait, diables effrontés,
Ces républicains, ces sangsues,
Regorgeant du sang des proscrits,
Mettre les socs de nos charrues
Aux guillotines de Paris !
Bravant du Seigneur l’anathème
Après avoir au pauvre même
Volé son dernier sol sous prétexte d’impôt.
Voici qu’ils réclament sa peau !
C’est au profit de la vermine
Qui nous réduit à la famine
Et nous mettrait nus comme un ver
Qu’il nous faudrait, en plein hiver,
Combattre pour l’amour de ces bêtes sauvages
Des gens dont nous n’avons jamais vu les visages,