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LES FUSILLÉS DE MALINES

Le réveil dominical est complet. On assiste à une de ces débridées après-midi de kermesses interdites par les Jacobins, car scribes, robins et soudards proscriront comme superstition les fêtes votives célébrées en l’honneur du patron du village. Heratens le Blanc tire de son chalumeau des trilles et des notes piquées à déconcerter un pinson : le piston, âpre, détonne en basses rageuses, le martèlement de la caisse claire se précipite. Le bal se déchaîne, ivre, furieux. Affolés par le rythme, les couples tournoient éperdument ; les filles trides, allumées, se pâment au cou des garçons ; les mentons lisses se râpent aux mentons rugueux ; les cottes ballonnent, les pieds ne touchent plus la terre, où les sabots marquent le pas louré. La course saccade le rire, il semble aux femelles que leur souffle s’abîme et se fonde dans l’haleine forte des mâles.

Au contraire de ce qui se passe d’ordinaire, frénétiques au début, les ébats perdent peu à peu de leur véhémence. Et, ici encore, se produit un étrange retour des choses. L’atmosphère insolite qu’on