Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LES FUSILLÉS DE MALINES

respire depuis l’autre nuit, altère, dénature, transpose, pour ainsi dire, l’allégresse accoutumée. Ou plutôt, on dirait que patauds et pataudes brûlent leur plaisir, vivent plus vite, escomptent la sensation à venir. Pourquoi déjà cette détente qu’amenait seulement l’approche de l’aube ? Ils ne sautent plus aussi lourdement ; pas de ces taquineries, de ces persécutions luronnes, de ces privautés prolongées, intermèdes de la danse, et qui ajournent ou tiennent en suspens les faveurs dernières. Ce qu’il y a de grossier étalage, de parade triviale, de veule promiscuité, de dévergondage extérieur après les carrousses et les lippées villageoises, se dépose insensiblement, comme la lie au fond d’une capiteuse liqueur. L’ivresse des sens, débarrassée de son licencieux et brutal cortège, n’en est pourtant que plus grave et plus impérieuse. Les commères ne s’y trompent pas. À mesure que le jour baisse, que la campagne octobrale s’embrume, elles se sentent moins harcelées et pourtant plus sollicitées. La volupté tragique du sacrifice les gagne inconsciemment. Elles parlent à voix