Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/222

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Là-bas, les deux têtes roulent aux sillons des vagues en tirant vers la plage. Des chaloupes les masquent par intervalle. Ils approchent et soudain Tonnerre prend pied et hurle.

— La mer a peur ! la mer a peur !

Le chien s’ébroue sur le sable. Tonnerre monte à terre, la barbe et les cheveux ruisselants, la prunelle fixe dans les yeux sanglants. Des boules de muscles jouent sur ses bras noueux et son poitrail velu est formidable. Comme une lourde bête victorieuse, il monte en grondant chez Zacharie où il s’assoit tout dégouttant et commande :

— La goutte !

Les hommes l’admirent silencieusement et sentent leur cœur battre, leur sang s’échauffer, parce qu’un homme a fait un prodige de force et de courage. Peu leur importe qu’il soit vain ou insensé. Bernard lui-même incline à l’indulgence et regrette :

— C’est-il malheureux qu’ ça boive !

Les femmes ont moins d’enthousiasme et pensent à elles :

— Heureusement qu’ c’est point marié ! ç’aurait fait mourir s’n’ épouse de peur ou d’ misère !

Deux ou trois fois à la suite, Tonnerre renouvelle son exploit. Il reste mouillé des heures entières à l’auberge de Zacharie où les gars tiennent à honneur de lui payer la goutte. Il boit son litre