Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/255

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tenant, ils ont leur douleur. P’tit Pierre n’a pas entendu parler de mort ; mais il sent bien qu’il y a une catastrophe parce qu’ils appellent le grand frère et qu’ils pleurent. Les larmes surtout le touchent, sans en savoir la cause, car c’est de l’eau qui coule quand on a mal. Sa mère a mal, très mal sans doute, puisqu’elle se plaint tout haut, comme les enfants, ce qui n’est pas l’habitude des grandes personnes.

P’tit Pierre approche derrière le père. Il voudrait qu’on le remarquât, mais il n’ose parler et ne sait que dire. Le brigadier a tiré son mouchoir à carreaux et se mouche bruyamment. Alors P’tit Pierre va s’abattre sur les genoux de sa mère, dans le tablier humide.

— Toi ! toi ! tu resteras, toi ! supplie la bonne femme.

Elle écrase le front de l’enfant sur sa poitrine et le tient à belles mains, de toute sa force. Son tricot a roulé par terre où les aiguilles brillent. P’tit Pierre a le cœur si gros qu’il éclate en larmes.

— Ah ! le bon, le bon petit gars ! dit le brigadier.

La mère le hisse sur ses genoux, le berce un peu, par souvenir, et lui parle à l’oreille :

— Mon petit, mon tout petit, tu quitteras point ta mé, dis… C’est Ugène, maintenant que l’ bon Dieu nous a pris… Il’tait si fort, il’tait si beau