Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/258

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d’enfant sur son visage. L’homme se voûtait ; et au mépris de l’aspect militaire de sa face, toujours nette et bien rasée, il laissait croître sa barbe, au hasard. Un moment on pensa même qu’il allait boire. Mais il se terra dans sa maison pour ne plus sortir.

Ils demeuraient tous les deux assis des journées entières, l’un en face de l’autre, sans courage et sans goût à vivre. Ils ne parlaient pas et regardaient par la fenêtre le ciel tumultueux d’automne où fuyaient les nuages en déroute. Dans le foyer deux triques fumaient sur la cendre. Le grand vent d’ouest ronflait dans la toiture et le bruit mauvais de la mer, qui ne décessera jusqu’au printemps, leur résonnait tristement dans le cœur.

Ils ne se réveillaient, pour ainsi dire, que le soir, à la rentrée de P’tit Pierre. La mère s’affairait un peu, soufflait le feu, mettait la soupe, et disposait trois assiettes et une miche sur la table, autour de la bougie. Le père s’enquièrait du travail, des nouvelles. Mais à l’atelier on montait toujours des caisses et il n’y avait pas de nouvelles.

Les jours se suivaient indéfiniment semblables. La vie coulait monotone et inquiète en raison de l’humeur de la mer. La pêche s’épuisait ; les usines chômaient à demi. On prenait le pain à la coche chez le boulanger et Dieu sait quand on paierait ! Les bouchers de la ville avaient cessé de venir.