Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/278

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Ceux qui ne fumaient pas se poussaient des boulettes de scaferlati dans la bouche ; les autres se donnaient du feu, nez à nez, en tirant sur les mégots humides. Et bientôt les chansons commencèrent au branle des sabots qui battaient le sol :


Nous étions deux, nous étions trois,
Nous étions deux, nous étions trois,
Nous étions trois mat’lots de Groix…

Bernard s’esquiva avec son gars. Un peu nerveux, P’tit Pierre se détourna plusieurs fois vers l’auberge. Il regrettait l’absence de Cul-Cassé et il chercha la voile grise du père Crozon sur la mer tranquille, parmi les roches des Sécé. Derrière lui les refrains roulaient, dolents, et rudes :


Nous étions trois mat’lots de Groix
Nous étions trois mat’lots de Groix,
Embarqués sur le Saint-François…

— Dire que tout ça c’est pour Florent ! fit P’tit Pierre.

Mais Cécile descendait vers lui par la grand’route avec un fichu de laine rose sur ses épaules, en criant aigrement :

— J’allais te chercher, j’ pensais qu’ tu restais à t’ soûler avec les autres !

P’tit Pierre ne répondit pas et rentra, silencieux