Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/305

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qu’il faut bien quelque chose à quoi s’accrocher quand tout vous manque à la fois sur terre. Elle a dit à son Bernard, sans pleurs, avec accablement :

— J’pense ben qu’on r’verra pus nos gars !

Il a essayé de rire ; mais ils ont compris ensemble qu’il ne fallait plus se tromper, mais s’unir. Et le lendemain est arrivé un paquet avec une lettre qu’ils ont laissé Louchon déposer sur la table, sans y toucher d’abord, parce qu’ils sentent en eux la certitude du malheur et n’ont plus de hâte.

— J’ te l’avais ben dit, fait la bonne femme.

Bernard ouvre le paquet, sort un petit sac de marin avec ses rabans et ses chavillots de buis. Dedans il y a deux mouchoirs à carreaux, un tricot, des lettres gondolées et brouillées par l’eau, une pipe et la photographie d’une fille en cheveux qu’ils ne connaissent pas. Sur le sac une bouée de sauvetage est grossièrement peinte avec l’inscription : Honneur-Patrie.

C’est tout. Les vieux étalent ces objets sur la table d’une main tremblante. La mère a reconnu le dernier maillot qu’elle a tricoté pour Florent, le père lui avait acheté la pipe à la foire de Saint-Gilles. Ils ne disent rien. Mais quand Bernard veut lire la lettre de P’tit Pierre, ses yeux s’obscurcissent tellement qu’il doit y renoncer.

— J’ peux pas ! soupire-t-il.