Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/57

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À bord la Marie-Jeanne connaissait quatre bonnes paillasses, remplies de varech bien séché et mises en place par elle, le jour où Le Dépit des Envieux prit mouillage à l’Herbaudière pour la première fois, quatre bonnes paillasses carrelées de gris et de violet, où l’on enfonçait en se couchant et qui vous tenaient la chair, la serraient, la calaient de tous côtés si douillettement ! N’était-elle pas tombée sur l’une qui l’avait reçue comme des bras ouverts l’autre soir !… Elle était seule à bord, avec son homme qui la contemplait arranger les couchettes, le corsage dégrafé parce qu’il faisait chaud dans le ventre du bateau. Et brusquement voilà son Urbain qui l’empoigne, la roule et se glisse sur elle en heurtant son échine au plafond bas. Elle avait crié, à cause de sa coiffe, elle avait ri, et puis ma foi, c’était si bon d’être prise comme ça tout d’un coup, mangée, happée comme qui dirait… Elle se rappelait le carré de nuage, à perte de vue, que découpait le capot au-dessus d’elle ; les sonorités de la coque amplifiant le fouettement des drisses ; et qu’au roulis, de peur de tomber, elle cramponnait les reins nerveux de son gars. Ah ! les bonnes paillasses ! le bon souvenir ! que Coët nommait en riant : le coup du baptême.

La Marie-Jeanne était heureuse, parce que son homme penserait mieux à elle dans cette couchette où il l’avait « fait mourir », parce qu’elle