Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/79

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voiles éployées dans le soleil. Vision magnifique de la vie expansive, lumineuse, avec la mer qui palpite comme une poitrine, avec les gros bouquets de chênes qui poussent vers le ciel toute la fécondité d’une terre, avec les barques qui sont des êtres de lutte et de misère, avec les hommes vigoureux et souples, entraînés pour vaincre.

Le vent du large roulait à la cime du bois en la faisant vivre au-dessus de l’estacade qui se chargeait de monde au point de paraître ployer. Des toilettes claires remuaient sur le remblai avec la houle légère des ombrelles. Il y avait des équipages sous la voûte de la grande allée, près des ânes de louage qui attendaient patiemment en écrasant leur crottin.

Les trois Goustan étaient là, accotés au garde-fou. Couronné d’un feutre noir, la boutonnière adornée du ruban tricolore, grand-père exhibait des breloques d’argent sur son ventre creux. Les gars, en chapeaux de paille et en manchettes, l’encadraient, et, à chaque poignée de main, ils entonnaient d’une seule voix :

— Vous l’avez vu ?…

— Quoi ?…

— Not’ bateau, l’ dernier qu’on a fait ?… Tenez, là-bas, près du breton, le grand sloop bleu… Oui, là… Dame ! c’est d’ la belle ouvrage, et ça marche que l’ diable !… Il va rafler tous les prix !