Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/159

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M. Bulstrode, resté seul avec son beau-frère, se remplit un verre d’eau et sortit une boîte de sandwiches.

— Je ne vous persuaderai pas d’adopter mon régime, Vincy ?

— Non, non. Je n’ai pas bonne opinion du système. Notre corps a besoin de ouate, dit M. Vincy, toujours empressé de placer sa précieuse théorie. Cependant, continua-t-il en accentuant ce mot comme pour prévenir toute autre remarque, je viens vous trouver à cette heure pour vous parler de mon jeune vaurien, de Fred.

— C’est un sujet sur lequel vous et moi serons probablement d’avis aussi opposé que sur le régime, Vincy.

— Pas cette fois, je l’espère. M. Vincy était décidé à se montrer de bonne humeur. C’est à propos d’une lubie du vieux Featherstone. Quelqu’un, par rancune sans doute, a raconté toute une histoire au vieillard dans le but de l’indisposer contre Fred. Mais il aime beaucoup Fred et je ne doute pas qu’il ne fasse quelque chose pour lui. Il a presque dit à Fred qu’il lui laisserait ses terres, et il y a des personnes dont cela excite la jalousie.

— Vincy, je vous le répète, je ne puis vous approuver dans ce que vous avez fait pour votre fils aîné en le destinant à l’Église ; ce n’est que par vanité mondaine que vous lui avez choisi cette carrière et je ne vous aiderai pas. Père de famille avec trois fils et quatre filles, vous n’aviez pas le droit de lui faire donner une éducation coûteuse qui n’a réussi qu’à lui inculquer des habitudes de paresse et d’extravagance. Vous en subissez aujourd’hui les conséquences.

Montrer aux autres leurs erreurs était un devoir que M. Bulstrode négligeait rarement ; mais M. Vincy n’était pas aussi bien préparé à se montrer endurant. Il avait la perspective d’être bientôt nommé maire et le sentiment de son importance dans les choses publiques. Ce reproche du banquier à l’occasion de sa conduite privée l’irrita vivement.