Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/193

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le plus capable de remplir un poste spécial n’est pas toujours le meilleur compagnon ni le plus agréable. Le seul moyen d’opérer une réforme ne serait-il pas bien souvent de faire une pension à tous les bons diables que chacun estime et de les mettre hors du jeu ?

Le docteur Sprague, considéré comme le médecin le plus important de la ville, dépouilla sa large et lourde face de toute expression et fixa attentivement son verre de vin pendant que Lydgate parlait. En dehors de ce qu’il y avait de problématique et de suspect dans ce jeune homme, l’espèce d’étalage qu’il faisait d’idées étrangères, une certaine disposition à renverser ce qui avait été institué une fois pour toutes par ses anciens, tout cela était positivement fort mal vu par un médecin qui avait établi son mérite trente ans auparavant, en publiant un traité sur les méningites dont un exemplaire au moins, le sien, avait l’honneur d’être relié en veau. Cependant la remarque de Lydgate ne trouva pas d’écho.

— Le diable soit de vos réformes ! dit M. Chichely, le coroner, grand camarade de chasse de M. Vincy ; il n’y a pas de plus grande blague au monde. Dès que vous entendez parler d’une réforme, soyez sûr que cela signifie seulement quelque mauvais tour pour mettre des hommes nouveaux à la place des anciens. J’espère, monsieur Lydgate, que vous n’êtes pas un de ces partisans de la « Lancette » qui voudraient enlever l’office de coroner des mains des hommes de loi : vos paroles sembleraient y viser. Comment juger de l’évidence des témoignages en justice, sans avoir étudié la loi ?

— À mon avis, dit Lydgate, l’étude de la loi ne fait que rendre un homme plus incompétent dans les questions où il faudrait un autre genre de science. Chacun parle de l’évidence des témoignages, comme si une justice aveugle disposait réellement de balances pour les peser. Il n’y a pas