Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/247

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être plus utile et prendre une part un peu plus grande à ce qui vous intéresse.

— Sans doute, ma chère, dit M. Casaubon, en s’inclinant i légèrement. Les notes que j’ai prises ici demanderont à être mises au net, et, si vous le voulez bien, vous pourrez vous en occuper sous ma direction.

— Et tous vos manuscrits, reprit Dorothée, dont le cœur s’était déjà enflammé silencieusement sur ce sujet, au point de ne pouvoir plus maintenant s’empêcher de l’aborder, toutes ces rangées de volumes, n’en ferez-vous pas maintenant ce dont vous aviez l’habitude de me parler ? Ne vous déciderez-vous pas à en extraire tout ce qui pourra vous être utile, et ne commencerez-vous pas à écrire ce livre qui devra faire profiter le monde de votre vaste érudition ? J’écrirai sous votre dictée, ou bien je copierai, je rédigerai ce que vous me direz : je ne puis pas être bonne à autre chose.

Dorothée, de la façon la plus inexplicable, dans toute la confusion de ses obscures sensations féminines, s’arrêta avec un léger sanglot, et ses yeux se remplirent de larmes.

Cette marque d’exagération dans ses sentiments n’était pas pour plaire à M. Casaubon, mais une autre raison devait lui faire trouver les paroles de Dorothée les plus blessantes et les plus irritantes qu’elle eût pu employer. Elle était aveugle devant les troubles intérieurs de son cœur, à lui, comme il l’était lui-même devant ceux de Dorothée : elle n’avait pas encore appris à connaître, dans l’âme de son mari, ces luttes cachées qui ont droit à notre pitié. Elle n’avait pas encore eu la patience d’écouter les battements de son cœur, ne sentant que les agitations violentes du sien propre. La voix de Dorothée résonnant à l’oreille de M. Casaubon semblait accentuer, d’une forme claire, ces sourdes suggestions de sa conscience qu’il avait pu prendre jusque-là pour un effet d’imagination ou pour l’illusion d’une sensibilité exagérée mais, lorsque nous entendons répéter tout haut