Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensé que je trouverais à la poste restante l’adresse de M. Casaubon, et j’étais désireux de lui rendre mes devoirs, ainsi qu’à vous, le plus tôt possible.

— Veuillez bien vous asseoir. Il n’est pas ici en ce moment mais il sera heureux, j’en suis sûre, d’avoir par moi de vos nouvelles, dit Dorothée s’asseyant distraitement elle-même entre la cheminée et la fenêtre, et lui désignant une chaise en face d’elle, avec tout le calme d’une gracieuse maîtresse de maison. M. Casaubon est très occupé, mais vous nous laisserez votre adresse n’est-ce pas ? et il vous écrira.

— Vous êtes bien bonne, dit Ladislaw, qui commençait à oublier sa défiance, en observant avec intérêt les naïves traces des larmes qui avaient altéré le visage de la jeune femme. Mon adresse se trouve sur ma carte. Mais, si vous le permettez, je reviendrai demain à une heure où M. Casaubon sera chez lui.

— Il va lire tous les jours à la bibliothèque du Vatican, et vous aurez de la peine à le rencontrer, si vous ne prenez rendez-vous. Surtout à présent. Nous sommes sur le point de quitter Rome et il est très occupé. Il est généralement sorti à peu près depuis le déjeuner jusqu’au dîner. Mais je suis sure qu’il voudra vous avoir une fois à dîner.

Will Ladislaw demeura muet d’étonnement. Il n’avait jamais aimé M. Casaubon ; et, n’eût été l’obligation qu’il lui avait, il s’en serait moqué comme d’une bûche d’érudition. Mais l’idée de ce pédant desséché, de cet élaborateur de niaiseries à peu près aussi importantes que le fonds de fausses antiquités amassées dans l’arrière-boutique du brocanteur, l’idée de cet homme se faisant épouser d’une jeune et adorable créature, et passant loin d’elle toute sa lune de miel, pour aller tâtonner à la recherche de vieilles fadaises moisies (Will affectionnait l’hyperbole), cette image ridicule qui lui apparut tout d’un coup le frappa d’une sorte de