Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/276

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fait, je me soumettrai. La situation où je me trouve vis-à-vis de M. Casaubon ne me permet pas d’exprimer mes sentiments sur lui : son éloge dans ma bouche aurait toujours le tort de venir d’un homme dans sa dépendance et pensionné par lui.

— Pardonnez-moi, dit Dorothée en rougissant jusqu’au blanc des yeux, je sens, comme vous le dites, que j’ai mal fait en m’engageant sur ce terrain. Oui, j’ai absolument tort. Il est beaucoup plus noble d’échouer après un long et persévérant travail que de ne jamais entreprendre la lutte, fût-ce au prix d’un échec final.

— Je suis tout à fait de votre avis, dit Will décidé à retourner la situation, si bien de votre avis que je suis résolu à courir le risque d’un échec du même genre. La générosité de M. Casaubon a peut-être été un écueil pour moi et j’ai l’intention de renoncer à la liberté que je lui devais. Mon projet est de revenir prochainement en Angleterre, d’y faire mon chemin comme je pourrai et de ne dépendre de personne que de moi-même.

— Cela est bien. Je respecte votre sentiment, dit Dorothée avec un retour d’amitié pour lui. Mais je suis sûre que M. Casaubon n’avait jamais eu en vue que de vous être le plus utile possible.

— Elle fait du moins preuve d’obstination et d’orgueil à défaut d’amour, maintenant qu’elle est sa femme, pensa Wiil. Et il prononça en se levant : — Je ne vous reverrai plus.

— Oh ! restez jusqu’à ce que M. Casaubon revienne, dit Dorothée gravement. Je si heureuse de notre rencontre à Rome. Je désirais vous connaître.

— Et je vous ai fâchée, dit Will. Je vous ai donné mauvaise opinion de moi.

— Oh ! non. Ma sœur me reproche toujours de me fâcher contre tous ceux qui ne disent pas exactement ce que