Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/307

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main. Si j’avais su cela, j’aurais pu trouver quelque meilleure combinaison.

— C’est une triste déception pour vous, je le sais, Suzanne, dit Caleb en la regardant avec compassion. Je ne puis supporter de vous voir enlever l’argent que vous aviez en tant de peine à économiser pour Alfred.

— Il est bien heureux que je l’aie économisé : et c’est vous qui aurez à pâtir, car il faudra que vous instruisiez vous-même votre garçon. Il vous faudra renoncer aussi à vos mauvaises habitudes. Il y a des hommes qui prennent l’habitude de boire, et vous, vous avez pris cette de travailler pour rien. Il faudra vous y abandonner un peu moins. Et maintenant vous n’avez qu’à vous rendre chez Mary et à demander à votre enfant l’argent qu’elle a mis de côté.

Caleb avait reculé sa chaise de la table et se tenait penché en avant, secouant lentement la tête et joignant les mains.

— Pauvre Mary ! Suzanne, poursuivit-il à demi voix, j’ai peur qu’elle n’ait quelque sentiment d’amour pour Fred.

— Oh que non ! elle le plaisante toujours ; et à n’est pas probable qu’il la regarde autrement que comme une sœur.

Caleb, sans répliquer, abaissa ses lunettes, rapprocha sa chaise du bureau et dit :

— Que le diable emporte ce billet ! Je voudrais le voir au fond du Hanovre ! Ces embarras-là viennent bien fâcheusement interrompre les affaires.

La première partie de ce discours comprenait toute la réserve du vocabulaire de malédictions de Caleb, et il la prononça avec un léger grognement facile à se représenter. Mais à ceux qui ne l’ont jamais entendu prononcer le mot affaires, il nous serait difficile de donner une idée du ton particulier de vénération fervente, de religieux respect dont il l’enveloppait, comme on enveloppe un symbole consacré, dans son linge frangé d’or.

11 arrivait souvent à Caleb Garth de secouer pensivement