Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/328

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au hasard, devant lui, comme une poupée mal faite ; fâcheuse inspiration ! Le lendemain Rosemonde aussi regarda à terre, et il en résulta que, quand de nouveau leurs yeux se rencontrèrent, ils eurent tous deux plus conscience encore de leur gêne mutuelle. Nul remède à cette folie dans la science ; que faire, puisque Lydgate ne voulait pas aller plus loin ? Ce fut donc un grand soulagement, lorsque la maison cessa d’être mise en quarantaine par les voisins, et que les chances de rencontrer Rosemonde seule devinrent infiniment plus rares.

Mais, si cette intimité, qui consiste dans un mutuel embarras où chacun a le sentiment de ce que l’autre éprouve, a une fois existé, l’effet ne s’en dissipe pas aisément. C’est un remède illusoire que de parler du temps ou d’autres banalités, et les rapports ne peuvent guère redevenir faciles, à moins de reconnaître franchement une fascination réciproque, sans avoir besoin d’éprouver d’ailleurs pour cela de sentiments vraiment sérieux et profonds. Ce fut de cette manière que les entretiens de Rosemonde et de Lydgate retrouvèrent leur animation dans l’aimable et parfaite aisance de leurs nouveaux rapports. Les visiteurs allaient et venaient comme de coutume, on fit de nouveau de la musique au salon, l’hospitalière maison du maire se rouvrit toute grande.

Lydgate, dès qu’il le pouvait, venait s’asseoir à côté de Rosemonde, la priait de faire de la musique et s’appelait son captif, tout en ne voulant pas l’être. Il sentait combien il serait absurde de songer dès à présent à se monter une maison, comme il convient à un homme marié, et c’était une garantie suffisante contre tout danger. Cette manière de jouer un peu à l’amoureux n’était pas sans agrément et ne nuisait pas à de plus graves occupations. La flirtation, après tout, n’était pas un travail absorbant.

Rosemonde, pour sa part, n’avait jamais compté de plus