Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/365

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sûre que ce n’est pas autre chose. Il n’y avait pas un jeune homme, à Middlemarch, assez bien pour elle ; je l’ai entendu dire, ou à peu près, à sa mère. Ce n’est pas là un esprit chrétien, il me semble. Mais, aujourd’hui, d’après tout ce qu’on raconte, elle a trouvé aussi fier qu’elle.

— Vous ne voulez pas dire qu’il y ait quelque chose entre Rosemonde et M. Lydgate ? dit mistress Bulstrode, passablement mortifiée de sa propre ignorance.

— Est-il possible que vous n’en sachiez rien, Henriette !

— Oh ! je sors si peu, et je n’aime pas les commérages ; je n’entends absolument rien dire. Vous voyez tant de gens que je ne vois pas. Votre cercle est un peu différent du nôtre.

— Oui, mais il s’agit de votre nièce, et du grand favori de M. Bulstrode ; c’est le vôtre aussi, j’en suis sûre, Henriette ! Je pensais, il y a quelque temps, que vous l’aviez en vue pour Kate, quand elle serait un peu plus âgée.

— Mais je ne crois pas, interrompit mistress Bulstrode, qu’il puisse rien y avoir de sérieux pour le moment ! Mon frère me l’eût certainement dit.

— Eh bien, chacun juge à sa manière, mais ce que je sais, moi, c’est que personne ne peut voir miss Vincy et M. Lydgate ensemble, sans les prendre pour des fiancés. Toutefois ce n’est pas mon affaire. Voulez-vous que je relève pour vous le patron des mitaines ?

En sortant de cet entretien, mistress Bulstrode se rendit chez sa nièce avec un poids nouveau sur le cœur. Elle était fort bien mise ; mais, en voyant Rosemonde qui venait de rentrer et s’avançait au-devant d’elle en robe de promenade, elle ne put s’empêcher de remarquer avec une nuance d’amertume que sa nièce portait une toilette presque aussi coûteuse que la sienne. Mistress Bulstrode était une édition féminine et réduite de son frère : elle n’avait rien de la pâleur et de la voix éteinte de son mari. Son regard était