Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/366

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bon et honnête, et son langage exempt de circonlocutions.

— Vous êtes seule, je vois, ma chère, dit-elle en regardant gravement autour d’elle dans le salon où elles entraient ensemble. Rosemonde devina, à n’en pas douter, que sa tante avait quelque chose de particulier à lui dire, et elles s’assirent à côté l’une de l’autre. Cependant la ruche intérieure du chapeau de Rosemonde était si jolie qu’il était impossible de n’en pas désirer une pareille pour Kate, et les yeux passablement aiguisés de mistress Bulstrode se promenaient, tout en parlant, sur ce charmant tour ruché.

— Je viens d’apprendre à l’instant quelque chose qui vous concerne et qui m’a beaucoup surprise, Rosemonde.

— Qu’est-ce donc, ma tante ? Les yeux de Rosemonde erraient sur le grand col brodé de sa tante.

— Je puis à peine le croire, que vous soyez fiancée sans que je le sache, sans que votre père m’en ait rien dit.

Ici, les yeux de mistress Bulstrode finirent par s’arrêter sur Rosemonde, qui rougit vivement et dit :

— Je ne suis pas fiancée, tante.

— Comment se fait-il donc que tout le monde le dise, que ce soit l’entretien de toute la ville ?

— L’entretien de toute la ville, ce n’est pas grand’chose, je pense, dit Rosemonde intérieurement ravie.

— Oh ! ma chère, faites attention ; ne faites pas fi de vos voisins. Souvenez-vous que vous venez d’avoir vingt-deux ans, et que vous n’aurez pas de fortune : votre père est hors d’état, j’en suis sûre, de vous faire une dot. M. Lydgate est très versé dans les travaux intellectuels, et plein de moyens je sais que cela a beaucoup d’attrait. J’aime beaucoup, moi-même, à causer avec ces hommes-là, et votre oncle en fait grand cas. Mais sa profession, dans cette ville, c’est quelque chose de bien maigre. Sans doute il ne faut pas s’attacher uniquement aux intérêts de cette vie, mais il est également rare qu’un médecin ait des convictions religieuses, il a