Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/369

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son intérêt sincère pour la nombreuse famille de son frère, à des remarques générées sur les dangers auxquels leur établissement dans le monde expose les jeunes gens. Les jeunes hommes, dit-elle, tombaient souvent dans le désordre, vous causaient de gros ennuis, et vous récompensaient bien mal de tous les sacrifices d’argent qu’on avait faits pour eux ; et, quant à une jeune fille, elle était exposée à bien des incidents qui pouvaient mettre obstacle à ses projets d’avenir.

— Surtout si elle est remplie d’attraits, et que ses parents voient beaucoup de monde, dit mistress Bulstrode. Les hommes ont des attentions pour elle, l’accaparent pour le seul plaisir du moment, et cela éloigne d’autres prétendants. Je trouve que c’est assumer une lourde responsabilité, monsieur Lydgate, que de mettre obstacle aux perspectives d’avenir d’une jeune fille.

Ici, mistress Bulstrode fixa ses yeux sur lui avec une intention évidente d’avertissement, sinon de blâme.

— Certainement, fit Lydgate en la regardant, peut-être même en la fixant un peu à son tour. D’un autre côté, il faut qu’un homme soit un bien grand fat pour s’imaginer qu’une jeune fille ne pourra recevoir ses attentions sans s’éprendre de lui, ou sans le donner à croire aux autres.

— Oh ! monsieur Lydgate, vous connaissez très bien vos avantages. Vous savez que nos jeunes gens d’ici ne pourraient rivaliser avec vous. En fréquentant assidûment une maison, vous pouvez rendre très difficile, sinon même impossible, l’établissement d’une jeune fille, et l’empêcher d’accepter les demandes qui se présentent.

Lydgate fut moins flatté de la reconnaissance de ses avantages sur les Orlandos de Middlemarch qu’ennuyé de l’intention facile à deviner de mistress Bulstrode. Quant à elle, satisfaite d’avoir mis dans son langage toute l’énergie et