Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/398

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le suivissent jusqu’à sa tombe, et la pauvre sœur Marthe avait fait tout exprès un voyage difficile depuis les Chalky-Flats. C’eût été une joie pour elle et pour Jane de penser que, si ce frère n’avait nullement tenu à les voir de son vivant, il s’était pourtant réjoui, en écrivant son testament, de la perspective de leur présence à ses obsèques ; malheureusement il y avait quelque chose d’équivoque dans le fait que le même désir s’étendait en même temps à mistress Vincy ; celle-ci avait fait des acquisitions de crêpe magnifique impliquant les espérances les plus présomptueuses, et rehaussées par un éclat et une fraîcheur de teint qui faisaient voir clairement qu’elle n’était pas du sang des Featherstone, mais qu’elle appartenait à cette classe de parents éminemment discutable, appelée « la famille de la femme ».

Cependant les trois voitures de deuil se remplirent conformément aux ordres écrits du défunt. Les porteurs du drap mortuaire étaient à cheval, couverts des plus riches galons ; même les aides porteurs de la bière avaient des écharpes de deuil de la plus belle qualité. La procession noire une fois descendue de cheval parut plus nombreuse encore, dans l’étroit cimetière ; les graves figures humaines et les draperies noires flottant au vent semblaient faire partie d’un monde étrangement incompatible avec les fleurs épanouies légèrement penchées sur leurs tiges, et les pâquerettes étincelantes sous les rayons du soleil.

C’était M. Cadwallader qui menait le cortège, toujours suivant le vœu de Pierre Featherstone. Dédaignant les vicaires qu’il traitait toujours en subalternes, il avait décidé d’être enterré par un clergyman bénéficier. M. Casaubon était hors de cause, non seulement parce qu’il déclinait toute fonction de ce genre, mais parce que Featherstone avait pour lui une aversion particulière ; il voyait en lui le recteur de sa paroisse, à qui la dîme donnait des droits sur ses propres domaines, sans compter les sermons du matin que le vieillard