Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/416

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ces lieux, dit Salomon. J’ai des terres à moi et des biens à moi, que j’aurai à léguer à mon tour.

— C’est une triste histoire que la manière dont va la chance en ce monde, dit Jonas. À quoi cela sert-il jamais d’avoir un brin d’esprit dans le corps ? Autant vaut être un chien dans sa niche. Que cela du moins serve de leçon à ceux qui restent. C’est assez d’un testament de fou dans une famille.

— Il y a plus d’une manière d’être fou, dit Salomon. Je ne laisserai pas mon argent pour qu’on le jette dans un cloaque, et je ne le laisserai pas non plus aux petits nègres d’Afrique. J’aime les Featherstone qui sont nés Featherstone et non les Featherstone qui le sont devenus parce qu’on leur a accolé ce nom-là.

Le frère Jonas se sentait capable de saillies beaucoup plus piquantes encore. Mais il réfléchit qu’il était inutile d’offenser le nouveau propriétaire de Stone-Court avant d’être bien sûr qu’il n’avait aucune intention d’hospitalité à l’égard des hommes d’esprit dont il allait porter le nom.

M. Joshua Rigg, en effet, paraissait se soucier fort peu de toutes ces insinuations ; on le vit s’approcher résolument de M. Standish et aborder avec le plus grand sang-froid les questions d’affaires. Son ramage était haut, son langage ordinaire et grossier. Fred, qu’il ne faisait plus rire, le regardait comme le plus affreux monstre de la terre. Mais Fred se sentait assez mal à l’aise. Le mercier de Middlemarch attendait une occasion d’engager la conversation avec M. Rigg. Qui sait pour combien de paires de jambes le nouveau propriétaire avait peut-être des bas à commander, et il était plus sur de compter sur ces profits-là que sur les héritages de petits-cousins éloignés.

M. Vincy, après sa première manifestation, était demeuré fièrement silencieux, bien que trop préoccupé de réflexions pénibles pour songer à se retirer ; mais, voyant sa femme