Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/428

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s’avouer qu’il s’abaissait un peu, dans ses rapports avec la famille de Rosemonde. Mais cette exquise créature souffrait elle-même de la même manière, et c’était une pensée délicieuse de se dire que, en l’épousant, il transplanterait son âme dans le sol dont elle avait besoin.

— Chérie ! lui dit-il un soir de sa voix la plus douce en s’asseyant près d’elle et plongeant ses yeux dans les siens.

Mais je dois dire d’abord qu’il l’avait trouvée seule au salon, où la grande et antique fenêtre, large ouverte, laissait arriver les senteurs d’été du jardin. Ses parents étaient allés à une invitation et tous les autres s’étaient échappés avec les papillons du dehors.

— Chérie, vous avez les yeux rouges.

— Vraiment ? dit Rosemonde. Je me demande pourquoi.

Il n’était pas dans sa nature de révéler immédiatement aux autres ses désirs ou ses chagrins. Ils ne se dévoilaient que gracieusement et après qu’on l’avait priée et sollicitée.

— Comme si vous pouviez me le cacher ! dit Lydgate, posant tendrement sa main sur les petites mains de Rosemonde. Croyez-vous que je ne voie pas cette petite larme sur un de vos cils ? Il y a des choses qui vous chagrinent et vous ne me les dites pas. C’est un manque de confiance.

— Pourquoi vous dirais-je ce que vous ne pouvez changer ? Il y a de ces petites choses tous les jours ; il y en a eu peut-être un peu plus dans ces derniers temps.

— Des ennuis de famille ? Ne craignez pas de m’en parler ; je les devine.

— Papa s’est montré plus irritable tous ces jours. Fred l’exaspère, et, ce matin, il y a eu une nouvelle querelle, parce que Fred nous menace de chercher une profession au-dessous de lui, sans plus tenir compte de l’éducation qu’il a reçue, et puis…

Rosemonde hésita et une légère rougeur se répandit sur ses joues. Lydgate ne l’avait jamais vue en peine depuis le