Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/430

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énormité. C’est la première fois de ma vie que j’entends parler d’acheter un trousseau après le mariage.

— Mais vous ne voulez pas dire que vous me feriez attendre des mois, uniquement pour des toilettes ? dit Lydgate, trouvant que Rosemonde le tourmentait avec grâce et craignant qu’elle ne reculât vraiment devant un mariage trop prompt. Rappelez-vous que nous avons devant nous un bonheur plus grand encore que notre bonheur présent, toujours ensemble, indépendants des autres et nous arrangeant une vie à notre gré. Venez, chérie, dites-moi quand vous pourrez être tout à fait à moi.

Il y avait dans la voix de Lydgate une supplication grave et calme, comme s’il craignait qu’elle ne lui fît tort par des délais fantastiques. Rosemonde devint sérieuse aussi et légèrement pensive ; le fait est qu’elle repassait dans son esprit bien des complications de bordures de dentelles, de lingerie et de plissés de jupons, afin de pouvoir donner une réponse au moins approximative.

— Six semaines seraient bien suffisantes, dites-moi, Rosemonde ? insista Lydgate, laissant aller sa main pour l’entourer doucement de son bras.

Elle se mit à lisser rapidement ses cheveux de sa petite main, en morne temps qu’elle inclinait le cou dans une attitude pensive ; puis elle dit sérieusement :

— Il y aurait encore à préparer le linge et l’ameublement de la maison. Mais maman pourra s’en occuper pendant que nous serons absents.

— Oui, certainement. Nous resterons bien absents une semaine ou à peu près.

— Oh ! plus que cela, dit Rosemonde gravement.

Elle pensait à ses robes du soir pour sa visite chez sir Godwin Lydgate, cette visite à laquelle en secret elle avait toujours formé le rêve délicieux de consacrer le quart au moins de sa lune de miel, si même elle différait la connais-