Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/457

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arrivée à une certaine netteté d’idées indépendantes, sur les raisons historiques et politiques qui donnaient aux fils aînés des droits supérieurs et qui réglaient la transmission des propriétés : peut-être ces raisons qui lui inspiraient un certain respect avaient-elles plus d’importance qu’elle ne pensait ; mais ici il n’y avait qu’une question de parenté, étrangère à toute infraction à ces règles. Même en se conformant aux traditions aristocratiques, que se plaisent à singer des gens qui n’appartiennent pas plus à l’aristocratie que des épiciers retirés, et dont la terre à « conserver intacte » consiste en un bout de pré ou de pâturage, il s’agissait d’une fille dont l’enfant aurait eu un droit antérieur à la fortune.

Certainement, se disait-elle, M. Casaubon avait une dette envers les Ladislaw, il devait rendre aux Ladislaw ce dont ils avaient été dépouillés. Et elle se mit à penser alors au testament de son mari, testament qui avait été fait au moment de leur mariage et lui laissait, à elle, la totalité des biens avec une réserve pour le cas où elle aurait des enfants. Il fallait changer cela, et sans perdre de temps. Cette question même du nouvel emploi de Will Ladislaw était l’occasion de mettre les choses sur un pied nouveau et équitable. Son mari, elle n’en doutait pas, d’après toute sa conduite passée, serait disposé à reconnaître le vrai, si elle le lui montrait, elle, en faveur de qui avait été opérée cette injuste concentration de tous les biens. Le sentiment de la justice avait, chez lui, surmonté et continuerait à surmonter ce qu’on pourrait appeler de l’antipathie. Elle soupçonnait bien que M. Casaubon désapprouvait le projet de son oncle, et c’était, lui semblait-il, une occasion opportune d’établir un nouvel état de choses au lieu de se trouver sans un sou et obligé d’accepter les premières fonctions venues. Will se verrait ainsi en possession d’une fortune légitime, dont son mari le ferait jouir de son vivant, et qu’il lui assurerait à sa mort, par un changement immédiat du testament. La