Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absolument dans son tort et pour cela et pour d’autres raisons encore que Will avait laissées de côté.

— Il vaut mieux pour nous ne plus parler de ce sujet, dit-elle avec un tremblement peu ordinaire dans la voix, puisque vous et M. Casaubon n’êtes pas d’accord. Vous avez l’intention de rester ? Elle regardait la pelouse devant elle avec une expression de mélancolique méditation.

— Oui, mais je ne vous verrai presque jamais dorénavant, repartit Will avec un accent de plainte comme celui d’un enfant.

— Non, dit Dorothée en le regardant de son plein et ferme regard, presque jamais, mais j’entendrai parler de vous, je saurai par mon oncle ce que vous faites.

— C’est à peine si je saurai quelque chose de vous, moi, dit Will ; personne ne m’en dira rien.

— Oh ! ma vie est bien simple. Les lèvres de Dorothée se rejoignirent en un sourire délicieux qui éclaira sa mélancolie. Je suis toujours à Lowick.

— C’est une affreuse prison, dit Will impétueusement.

— Non, ne croyez pas cela, je n’ai pas d’aspirations.

Il se tut ; et elle reprit comme répondant à un changement survenu dans sa physionomie :

— Je veux dire pour moi, sauf que je voudrais bien ne pas avoir plus que ma part de bien-être, sans rien faire pour les autres. Mais j’ai ma croyance à moi et elle me soutient.

— Quelle est-elle ?… dit Will un peu jaloux de cette croyance.

— C’est qu’en désirant ce qui est parfaitement bon, même sans bien savoir ce que c’est et sans pouvoir faire ce que nous voudrions, nous sommes une partie de la puissance divine contre le mal, élargissant les espaces de lumière et resserrant la lutte contre l’obscurité.

— C’est un beau mysticisme, cela… c’est un…

— Ne l’appelez d’aucun nom, je vous en prie, dit Doro-