Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/481

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thée étendant les mains en manière de supplication. Vous l’appelleriez persan ou de quelque autre nom géographique. C’est ma vie ; je l’ai trouvé et ne peux plus m’en séparer. Je me suis toujours fait ma religion à moi depuis que j’étais enfant. Je priais tant alors !… Et, aujourd’hui, je ne puis presque plus prier. Je m’efforce de ne pas avoir de désirs pour moi seulement, parce qu’ils pourraient n’être pas bons pour les autres, et je n’en ai que trop déjà. Je vous ai dit cela uniquement afin que vous sachiez tout au long comment se passent mes jours à Lowick.

— Dieu vous bénisse de me l’avoir dit, s’écria Will avec ardeur et s’étonnant presque de lui-même. Ils se regardaient l’un l’autre comme deux enfants qui s’aiment et qui, en grande confidence, se parlent des petits oiseaux.

— Quelle est votre religion ? demanda Dorothée. Je ne veux pas dire ce que vous savez de la religion, mais la croyance qui vous aide le plus dans la vie ?

— Aimer ce qui est bien et ce qui est beau quand je le vois, répondit Will. Mais je suis un rebelle, moi ; je ne me sens pas tenu comme vous à me soumettre à ce que je n’aime pas.

— Si vous n’aimez que ce qui est bien, cela revient au même, dit Dorothée en souriant.

— Vous devenez subtile.

— Oui ; M. Casaubon me dit souvent que je le suis trop, bien que je ne m’en aperçoive pas moi-même, dit Dorothée d’un ton joyeux. Mais comme mon oncle tarde ! Je vais aller voir où il est. Il faut absolument que j’aille à Freshitt-Hall. Célia m’attend.

Will se disposait à aller prévenir M. Brooke, lorsque celui-ci rentra, disant qu’il profiterait de la voiture pour aller, avec Dorothée, jusque chez les Dagley afin de régler l’affaire du petit délinquant qu’on avait surpris avec le levraut. Durant le trajet, Dorothée essaya de reprendre la