Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/499

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absolument insignifiants, prenez cette femme ordinaire, mais nullement désagréable, pour le portrait de Mary Garth. Faites-la sourire, et elle vous montrera de jolies petites dents blanches ; mettez-la en colère, elle n’élèvera pas la voix, mais vous dira probablement une des choses les plus amères dont vous ayez jamais goûté la saveur, donnez-lui une marque de sympathie, jamais elle ne l’oubliera.

Mary admirait le petit vicaire à la jolie figure vive et enjouée, avec ses habits râpés jusqu’à la corde, mais propres et bien tenus, plus qu’aucun autre homme qu’elle eût encore eu l’occasion de voir. Jamais elle ne lui avait entendu dire une chose sotte, bien qu’elle sût qu’il en commettait de peu raisonnables ; et peut-être trouvait-elle plus à reprendre à de sottes paroles, qu’à toutes les actions peu sages de M. Farebrother ; au moins est-il remarquable que les imperfections du caractère professionnel du vicaire ne semblaient jamais exciter en elle le mépris et l’aversion qu’elle témoignait d’avance pour toutes les imperfections du triste vicaire que pourrait jamais faire Fred Vincy. Ces inégalités de jugement se rencontrent, je suppose, même chez des esprits plus mûrs que celui de Mary Garth. Nous réservons notre impartialité pour un genre de mérite ou de démérite abstrait que personne de nous n’a jamais rencontré. Quelqu’un devinera-t-il pour lequel de ces deux hommes, si différents l’un de l’autre, Mary éprouvait la tendresse particulière de la femme ? Était-ce pour celui envers lequel elle était disposée à se montrer le plus sévère ou pour l’autre ?

— Avez-vous quelque chose à faire dire à votre vieux camarade de jeu, miss Garth ? dit le vicaire en prenant une pomme odorante dans le panier qu’elle lui tendait, et la mettant dans sa poche, quelque chose qui adoucisse un peu votre cruel arrêt ? Je vais aller le voir tout droit en sortant d’ici.