Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/123

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suis pu aussi fort que je l’étais, Nick, bien que j’aie plus de couleurs que vous. J’ai besoin d’un revenu assuré.

— On pourrait vous l’assurer, si vous vouliez vous engager à rester à distance, dit M. Bulstrode, peut-être d’un ton un peu trop empressé.

— Il en sera ce qu’il plaira à ma convenance, répondit M. Raffles froidement. Je ne vois pas pourquoi je ne ferais pas quelques connaissances dans ces environs. Je pourrais me présenter, sans rougir de moi, dans n’importe quelle société. J’ai laissé mon portemanteau à la barrière de péage quand je suis descendu, avec du linge de rechange, du véritable linge, sur mon honneur ! autre chose que de simples manchettes ou des devants de chemise, et avec ce costume de deuil, sous-pieds et tout le reste, je vous ferais honneur parmi les nababs de l’endroit.

— Si vous comptez faire fond sur moi, de quelque façon, monsieur Raffles, reprit Bulstrode après un instant de silence, il faut vous attendre à vous conformer à mes désirs.

— Oh ! certainement, dit Raffles avec une cordialité moqueuse. Tout comme autrefois. Seigneur, vous aviez fait de moi un assez joli personnage et je n’en ai pas retiré grand’chose. J’aurais mieux fait, je l’ai souvent pensé depuis, de dire à la vieille que j’avais retrouvé sa fille et son petit enfant : c’eût été plus en rapport avec mes sentiments ; j’ai un endroit sensible dans le cœur. Mais vous avez enterré la vieille, à l’heure qu’il est, je suppose, cela lui est bien égal maintenant. Et vous avez fait votre fortune dans cette belle affaire, qui était vraiment une affaire bénie. Vous êtes devenu un nabab, vous achetez des terres, un vrai pacha de province. Mais toujours dans les rangs des dissidents, eh ? Toujours dévot ? Ou bien, êtes-vous rentré peut-être dans l’Église établie (c’est de meilleur ton) ?

Il y avait cette fois, dans le lent clignement d’yeux de M. Raffles et dans le petit bout de sa langue qu’il avançait,