Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/139

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— Grand Dieu s’écria Will avec passion, en se levant.

Et, tenant toujours son chapeau à la main, il marcha vers une table de marbre d’où il se retourna brusquement et contre laquelle il s’appuya. Le sang lui était monté au visage et il avait presque l’air en colère. Il lui avait semblé tout à coup qu’ils étaient là comme deux créatures qui se changeraient lentement en marbre, en présence l’une de l’autre, tandis que leurs cœurs savaient et que leurs yeux soupiraient. Mais que faire ? Jamais nul ne pourrait dire qu’à la fin de cette entrevue à laquelle il était venu avec une fermeté amère, il se fût laissé aller à une confession que l’on aurait pu interpréter comme une prétention à la fortune de Dorothée. Il craignait aussi en ce moment l’effet qu’un tel aveu pourrait avoir sur Dorothée elle-même.

Elle le regarda de sa place, un peu troublée, s’imaginant qu’il y avait peut-être eu dans ses paroles quelque chose de blessant. Mais, tout le temps, cette pensée que sans doute il avait besoin d’argent et qu’elle ne pouvait lui venir en aide, lui traversait l’esprit comme une lame aiguë. Si son oncle avait été chez lui, on aurait pu faire quelque chose par son entremise. Ce fut sous cette préoccupation de l’injustice qui privait Will de la fortune qu’elle possédait, et qui devait légitimement lui appartenir, à lui, que le voyant demeurer silencieux et détourner la tête elle lui dit :

— Aimeriez-vous peut-être avoir cette miniature qui est en haut, cette jolie miniature de votre grand’mère ? Je ne sais pourquoi je la garderais, si vous en aviez envie ? Elle vous ressemble étonnamment.

— Vous êtes bien bonne, répondit Will d’un air irrité, non, je ne m’en soucie pas. Ce n’est pas une très grande consolation que de posséder sa ressemblance. Il serait plus consolant que d’autres désirassent la garder.

— Je pensais que vous aimeriez à chérir sa mémoire… je pensais…