Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/257

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— Oui, la vie d’un médecin est très pénible, surtout quand il est aussi dévoué à sa profession que l’est M. Lydgate, répondit Rosemonde ; et elle s’éloigna avec une parfaite aisance à la fin de ce petit discours correct.

— La vie est terriblement morne pour elle quand elle n’a pas de visites, dit mistress Vincy qui était assise à côté de la vieille dame. Je vous assure que je l’ai bien senti, pendant que Rosemonde était malade et que je restais avec elle. Vous savez, mistress Farebrother, notre maison est une maison gaie. Je suis moi-même d’un naturel gai et M. Vincy aime toujours qu’il y ait quelque chose en train. C’est à quoi Rosemonde a été habituée. C’est bien différent, avec un mari qui sort à toutes les heures, sans qu’on sache jamais quand il rentrera, et d’une humeur réservée et fière, je crois. (L’indiscrète mistress Vincy baissa légèrement le ton pour faire cette parenthèse.) Mais Rosemonde a toujours eu un caractère d’ange ; ses frères la tourmentaient bien souvent, mais ce n’était pas une fille à jamais montrer de l’humeur. Toute petite elle était déjà aussi bonne qu’on peut l’être, et son caractère était le plus charmant du monde. Mais mes enfants ont tous un bon caractère, Dieu merci !

L’affirmation était assez vraisemblable pour quiconque eût regardé mistress Vincy au moment où elle rejetait en arrière les rubans volumineux de son bonnet, et souriait en regardant ses trois petites filles âgées de sept à onze ans. Mais ce regard complaisant fut obligé de comprendre Mary Garth, que les trois petites filles avaient entraînée dans un coin pour lui faire raconter une histoire. Mary finissait précisément le délicieux conte de Rumpelstiltskin, qu’elle savait par cœur d’un bout à l’autre, vu que Letty n’était jamais lasse de raconter elle-même à ses aînés ignorants ce conte qu’elle tirait de certain volume rouge favori. Louisa, la préférée de mistress Vincy, courut à elle en ouvrant de grands yeux sérieux et tout brillants.