Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/265

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vécussions sur un pied mesquin. Il faut vous attendre à voir baisser votre clientèle.

— Ma chère Rosemonde, il n’est pas question de choisir. Nous avons commencé à vivre d’une façon trop dispendieuse. Peacock habitait, vous le savez, une maison beaucoup plus petite que celle-ci. C’est ma faute : j’aurais dû être plus sage et je mériterais une volée, si quelqu’un avait le droit de me la donner, pour vous avoir réduite à la nécessité de vivre plus pauvrement que vous n’y étiez habituée. Mais nous nous sommes mariés parce que nous nous aimions, n’est-ce pas ? Et cela nous aidera à nous tirer d’affaire jusqu’à ce que les choses aillent mieux. Allons, chérie, posez cet ouvrage et venez près de moi.

Il était en réalité, sur le compte de Rosemonde, dans un état de froid découragement, mais il redoutait un avenir sans affection et avait résolu de résister à la séparation qui grandissait entre eux. Rosemonde lui obéit, et il la prit sur ses genoux, mais, dans le secret de son cœur, elle était aussi loin de lui que possible. La pauvre enfant voyait seulement que le monde n’était pas organisé à sa guise et Lydgate faisait partie de ce monde ; mais il lui prit doucement le poignet et posa une main sur les siennes ; cet homme plutôt brusque avait beaucoup de tendresse dans ses manières avec les femmes, semblant avoir toujours présents à l’imagination la faiblesse de leur enveloppe et l’équilibre délicat de leur santé, au physique et au moral.

Et il se remit à parler d’un ton de persuasion :

— Je m’aperçois, maintenant que j’examine un peu les choses, Rosy, qu’il passe dans notre ménage une quantité étonnante d’argent. Les domestiques sont, je suppose, peu soigneux, et puis nous avons eu beaucoup de monde. Mais il doit y avoir certainement bien des gens de notre rang qui se tirent d’affaire avec beaucoup moins ; ils se contentent sans doute de choses plus ordinaires, et ils s’occupent des