Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/282

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plus sensible de ses sentiments, en lui faisant entendre qu’elle avait été en l’épousant la dupe d’une illusion de bonheur. Quant à dire qu’il était le maître, ce n’était même pas la vérité. La résolution à laquelle il s’était attaché par la force de la logique et par un honorable orgueil commençait à fléchir, au contact de torpille de Rosemonde. Il avala la moitié de sa tasse de café et se leva pour sortir.

— Je puis du moins vous prier de ne pas aller encore chez Trumbull, jusqu’à ce qu’il soit évident qu’il n’y a pas d’autres moyens, dit Rosemonde. Bien qu’elle ne fût pas sujette à la peur, elle sentit qu’il était plus sur de ne pas lui révéler qu’elle avait écrit à sir Godwin. Promettez-moi que vous n’irez pas chez lui avant quelques semaines, ou sans m’en prévenir.

Lydgate fit entendre un petit rire bref.

— Il me semble que c’est moi qui pourrais vous demander la promesse que vous ne ferez rien sans m’en prévenir, dit-il en se dirigeant vers la porte.

— Vous vous rappelez que nous allons dîner chez papa aujourd’hui, dit Rosemonde, souhaitant qu’il se retournât encore et qu’il lui fit une concession plus précise.

Mais il murmura seulement :

— Oh oui ! avec impatience et sortit.

Elle trouvait véritablement odieux de sa part, de ne pas songer que c’en était déjà assez pour elle, de toutes les propositions pénibles qu’il avait eu à lui faire, sans montrer encore une si désagréable humeur. Et lorsqu’elle lui avait adressé la modeste demande de différer seulement sa visite à Trumbull, il avait été cruel de sa part de ne pas la rassurer sur ses intentions. Elle était convaincue d’avoir agi, en tous points, pour le mieux ; et chaque parole blessante ou colère de Lydgate n’était qu’une offense de plus à ajouter à la liste qu’elle en conservait sur le cœur. La pauvre Rosemonde avait commencé depuis quelques mois à associer