Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/286

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d’un petit ouvrage à l’aiguille dans un coin bien chaud de la salle à manger, tandis que l’importante lettre restait posée devant elle sur la table. Il était près de midi quand elle entendit le pas de son mari dans le corridor, et courant lui ouvrir la porte, elle lui dit de son ton le plus léger :

— Venez, Tertius, voici une lettre pour vous.

— Ah ! dit-il, sans ôter son chapeau mais en passant son bras autour de Rosemonde pour la ramener à sa place. De mon oncle Godwin ! s’écria-t-il tandis que Rosemonde se rasseyait.

Elle l’observa au moment où il ouvrit la lettre. Elle s’attendait à sa surprise. À mesure que les yeux de Lydgate parcouraient rapidement la courte missive, elle lit son visage, ordinairement d’un brun pâle, se couvrir d’une blancheur mate ; ses narines et ses lèvres tremblaient quand il jeta la lettre devant elle, et il éclata violemment :

— La vie ne sera plus possible avec vous si vous voulez toujours agir secrètement, en opposition avec moi, et me cacher vos démarches.

Il s’arrêta court et lui tourna le dos, puis se retourna encore, fit quelques pas, s’assit, se releva de nouveau avec agitation, serrant les poings au fond de ses poches. Il avait peur de prononcer quelque mot irrémédiablement cruel.

Rosemonde aussi avait changé de couleur en lisant. La lettre était ainsi conçue :

« Mon cher Tertius,

» Ne chargez pas votre femme de m’écrire quand vous avez quelque chose à me demander. C’est une manière détournée et enjôleuse à laquelle je n’aurais pas cru de votre part. Il ne m’est jamais arrivé d’écrire à une femme pour affaires. Quant à vous fournir un millier de livres ou même la moitié, je ne puis rien faire de semblable. Ma propre