Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/290

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de parler, et elle l’essuya aussi tranquillement que la première.

Lydgate se jeta sur une chaise, se sentant vaincu. Quelle place y avait-il dans l’esprit de Rosemonde pour y loger une seule remontrance ? Il déposa son chapeau, passa son bras par-dessus le dossier de sa chaise et baissa les yeux pendant quelques instants sans parler. Rosemonde avait sur lui le double avantage d’insensibilité à l’endroit de ses justes reproches, et de sensibilité à l’endroit des misères indéniables qui accablaient sa vie de femme. Bien que la duplicité dans l’affaire de la maison eût dépassé tout ce qu’il en connaissait et eût empêché les Plymdale d’en rien savoir eux-mêmes, elle n’avait nullement le sentiment que sa conduite pût être justement qualifiée de fausse. Mais elle se sentait offensée et c’était là ce qu’il fallait que Lydgate reconnût.

Quant à lui, la nécessité de s’accommoder à la nature de Rosemonde, que ses côtés négatifs rendaient inflexible, le tenait comme par des tenailles. Il avait commencé à entrevoir avec alarme la perte irrévocable de l’amour de sa femme et la tristesse qui en résulterait dans leur vie. La plénitude de ses émotions prêtes à déborder lui fit rapidement entrevoir cette crainte mêlée aux premiers mouvements violents de sa colère. C’eût, été assurément une vanterie inutile de sa part de lui dire qu’il était le maître.

« Vous n’avez pas rendu ma vie agréable ces derniers temps. Les misères que notre mariage a attirées sur moi. » Ces mots aiguillonnaient son imagination, de même que la douleur provoque l’exagération de nos rêves. S’il allait tomber, non seulement du haut de ses plus fières résolutions, mais tomber dans les hideuses entraves de la haine domestique ?

— Rosemonde, dit-il, tournant sur elle un mélancolique regard, vous devriez excuser les paroles d’un homme déçu et provoqué. Je ne puis séparer mon bonheur du vôtre. Si