Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/306

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À d’autres égards il ne semblait pas avoir changé. Il avait toujours été fort poli, mais Lydgate avait, du premier jour, observé en lui une froideur très marquée à propos de son mariage et d’autres circonstances particulières, froideur qu’il avait jusque-là préférée à un excès de familiarité. Il n’en différait pas moins de jour en jour. Il voyait auvent Bulstrode, mais sans chercher à profiter d’une occasion en faveur du projet qu’il nourrissait. Tantôt il se disait : « J’écrirai, j’aime mieux cela que des insinuations. » D’autres fois il songeait : « Non, j’ai toujours la ressource, en lui partant, de me retirer au premier signe de refus. »

Cependant les jours passaient, et il n’écrivait pas, et il n’allait au-devant d’aucun entretien particulier. Dans l’horreur qui le faisait reculer devant l’humiliation de se trouver vis-à-vis de Bulstrode dans une attitude de sujétion, il commença à se familiariser avec un autre dessein encore plus éloigné de sa personnalité d’autrefois. Il se mit à réfléchir à ce désir puéril de Rosemonde qui avait souvent excité sa colère, ce désir de quitter Middlemarch sans se préoccuper de ce qu’il ferait après. Se trouverait-il quelqu’un pour lui acheter sa clientèle pour le peu qu’elle valait aujourd’hui ? En ce cas une vente générale pourrait ne paraître que le préliminaire naturel du départ.

Mais à cette démarche, dans laquelle il sentait encore un abandon misérable de son travail présent et un éloignement coupable de ce qui était une voie régulière, susceptible de devenir une voie plus vaste pour une honorable activité, à son départ sans destination justifiée, il y avait encore cet obstacle, que l’acheteur, en admettant qu’il s’en trouvât, ne se présenterait pas assez vite. Et ensuite ? Qu’ils allassent dans une grande ville, dans une ville éloignée, Rosemonde ne trouverait pas dans le pauvre logement qu’elle habiterait une vie capable de la sauver du découragement, et de le sauver lui-même du reproche de l’y avoir plongée. Lorsqu’un