Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/343

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homme, qu’il eût voulu voir tomber dans le silence de la mort. Une impérieuse volonté excitait en lui des mouvements féroces contre cette existence de brute, sur laquelle la volonté seule n’avait pas de pouvoir. Il se dit à lui-même qu’il se fatiguait trop ; il ne veillerait pas le malade la nuit prochaine, il le confierait à mistress Abel qui, en cas de besoin, appellerait son mari.

À six heures, Raffles n’ayant eu que des instants d’un sommeil fiévreux et agité dont il se réveillait avec une excitation nouvelle et en criant qu’il se sentait enfoncer, Bulstrode commença à lui administrer de l’opium, selon les instructions de Lydgate. Au bout d’une demi-heure environ, il appela mistress Abel, il lui dit qu’il lui était impossible de veiller plus longtemps, qu’il lui fallait pour cette nuit confier le malade à ses soins, et il lui indiqua d’après les prescriptions de Lydgate la quantité de chaque dose. Mistress Abel n’avait rien su jusque-là des ordonnances de Lydgate ; elle n’avait fait que préparer et apporter exactement tout ce que Bulstrode demandait. Elle s’informa donc de ce qu’elle avait à faire auprès du malade, en dehors de l’opium à lui administrer.

— Rien pour le moment, si ce n’est de lui offrir de la soupe et de l’eau de seltz. Vous pourrez venir me consulter, si vous avez besoin d’autres indications ; à moins de changement notable, je ne rentrerai plus cette nuit dans la chambre du malade. Vous appellerez votre mari, si c’est nécessaire. J’ai besoin de me coucher de bonne heure.

— Vous en avez grand besoin, monsieur, pour sûr, dit mistress Abel, et aussi de vous soutenir par quelque chose de fortifiant, plus que vous n’avez fait depuis deux jours.

Bulstrode s’éloigna sans inquiétude de ce qui pourrait échapper à Raffles dans ses divagations, ce n’était guère plus maintenant qu’un murmure incohérent ne pouvant plus donner lieu à des conjectures dangereuses. Quoi qu’il en fût,