Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout à coup comme glacée et tremblante : il se cachait évidemment derrière ces paroles de mistress Hackbutt quelque chose d’extraordinaire ; mais bien qu’elle fût sortie avec l’intention de s’informer à fond, elle se trouva incapable maintenant de poursuivre son courageux dessein, et détournant la conversation par une question sur les jeunes Hackbutt, elle prit bientôt congé en disant qu’elle allait voir mistress Plymdale. Durant le trajet, elle essaya de s’imaginer qu’il y avait eu peut-être une discussion plus vive que d’habitude, à l’assemblée, entre M. Bulstrode et quelques-uns de ses adversaires ordinaires, peut-être M. Hackbutt. Cela expliquerait tout.

Mais dès qu’elle fut en conversation avec mistress Plymdale, cette explication rassurante cessa de lui paraître soutenable. Célina la reçut avec de pathétiques démonstrations d’affection, et une disposition à lui faire, sur les sujets les plus communs, des réponses édifiantes ne pouvant guère se rapporter à une discussion ordinaire, qui n’aurait pas eu d’autre conséquence qu’une perturbation momentanée dans la santé de M. Bulstrode. Mistress Bulstrode avait pensé d’abord qu’elle interrogerait plus volontiers mistress Plymdale que toute autre personne ; mais elle fut toute surprise de s’apercevoir qu’une ancienne amie n’est pas toujours la personne qu’il soit le plus facile de prendre pour confidente : il y avait entre elles comme barrière le souvenir d’une autre communication faite en d’autres circonstances, il y avait encore l’horreur de se faire renseigner et de se voir plaindre par une personne habituée depuis longtemps à lui céder la suprématie. Certaines paroles, se rattachant à quelque chose de mystérieux, que mistress Plymdale laissa échapper sur sa résolution de ne jamais tourner le dos à ses amis, convainquirent mistress Bulstrode qu’il avait dû arriver un malheur, et au lieu d’oser demander, avec sa franchise naturelle : « Qu’avez-vous donc dans l’esprit ? » elle se