Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/411

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à vous tout dire. Ce sera pour moi un soulagement de parler là où la confiance a devancé mes paroles, et où je n’aurai pas l’air de me faire le propre garant de mon honneur. Vous apprécierez ce qui est favorable à un autre comme ce qui m’est favorable.

— Ayez confiance en moi, dit Dorothée. Je ne répéterai rien sans que vous m’y autorisiez ; mais au moins pourrai-je dire que vous avez éclairci pour moi toutes les circonstances, et que je sais que vous n’êtes coupable à aucun degré ; M. Farebrother me croirait, et mon oncle et sir James Chettam. Il y a même quelques personnes à Middlemarch chez qui je pourrais aller, bien qu’elles ne me connaissent pas beaucoup ; elles me croiraient, bien certaines que je n’ai en vue pour agir que la vérité et la justice. Je mettrai tous mes efforts à vous disculper. J’ai si peu de chose dans ma vie. Et que pourrais-je faire de mieux au monde ?

On eût pu croire, à entendre Dorothée, tandis qu’elle traçait comme un enfant ce tableau de ce qu’elle voudrait faire, qu’elle pourrait en effet l’accomplir. La tendresse pénétrante de ses accents féminins semblait se dresser comme une barrière devant le zèle des accusateurs. Que ce fût une entreprise à la don Quichotte, comment Lydgate y aurait-il songé ? Pour la première fois de sa vie il s’abandonnait au sentiment délicieux de s’appuyer entièrement sur une sympathie généreuse, sans être retenu par une orgueilleuse réserve. Il lui raconta tout, depuis le moment où, sous la pression de ses difficultés, il avait adressée à contre-cœur, son premier appel à Bulstrode ; arrivant graduellement, dans le soulagement qu’il éprouvait à parler, à mieux exprimer ce qui s’était passé dans son esprit, insistant sur ce fait qu’il avait traité le malade à sa manière et en opposition avec la méthode générale, exprimant les doutes survenus à la fin, l’idéal qu’il s’était fait du devoir médical, et le malaise qu’il éprouvait à l’idée