Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/415

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— Pourquoi ne vous le dirais-je pas ? Vous savez ce que c’est que le lien du mariage. Vous comprendrez tout.

Dorothée sentit son cœur battre plus vite. Avait-il aussi ce chagrin-là ? Mais elle avait peur de parler et il continua aussitôt :

— Il m’est impossible maintenant de rien faire, de prendre une décision sans avoir égard au bonheur de ma femme. La seule chose qui me conviendrait, si j’étais seul, m’est interdite aujourd’hui. Je ne puis voir Rosemonde malheureuse. Elle m’a épousé sans savoir ce qui pouvait l’attendre, et il eût peut-être mieux valu pour elle de ne m’avoir pas épousé.

— Je sais… je sais… à moins d’être contraint et forcé vous ne voudriez pas lui faire de la peine, dit Dorothée avec le souvenir cuisant de sa propre vie.

— Et elle s’est mis dans la tête de ne pas rester à Middlemarch. Elle veut partir. Les soucis qu’elle a eus ici l’ont lassée, dit Lydgate, s’arrêtant de nouveau de peur d’en dire trop.

— Mais si elle voyait le bien que vous pourriez faire en restant ?

Il ne répondit pas tout de suite.

— Elle ne le verrait pas, dit-il enfin brièvement, ce qui rendait toute autre explication superflue, et en vérité j’ai perdu toute envie de poursuivre mon existence ici.

Il s’arrêta un moment, puis sous l’impulsion qui le portait à laisser Dorothée pénétrer plus profondément dans les difficultés de sa vie, il ajouta :

— Le fait est que ce dernier coup est tombé sur elle d’une façon accablante. Nous n’avons pu en parler ensemble. Je ne sais pas au juste ce qu’elle en pense. Elle craint peut-être que j’aie réellement commis quelque bassesse. C’est ma faute, je devrais être plus communicatif, mais j’ai cruellement souffert.

— Puis-je aller la voir ? demanda vivement Dorothée. Accepterait-elle ma sympathie ? Je lui dirais que vous n’avez